Ils appellent cela démocratie

par David Coon

La semaine dernière, le bureau du premier ministre a déplacé la cérémonie d’assermentation des deux nouveaux membres du cabinet dans leurs circonscriptions. Le lieutenant-gouverneur et le greffier du conseil exécutif ont dû voyager à St Stephen et à Miramichi pour procéder à la cérémonie qui se tient toujours à l’Assemblée législative. Les manœuvres politiques de cette administration sont sans bornes.

Avec le projet de loi pour modifier la loi sur l’organisation judiciaire, on a beaucoup parlé de l’administration qui franchit la ligne de démarcation entre les responsabilités du pouvoir exécutif (le premier ministre et le cabinet) et celles du pouvoir judiciaire. C’était le projet de loi qui donne au ministre de la Justice un véto sur les décisions du juge en chef concernant l’endroit où les juges résident. Je suis d’avis que c’est une interférence avec l’indépendance administrative du juge en chef et par conséquent inconstitutionnel. J’ai beaucoup parlé sur ce sujet à l’Assemblée et même présenté un amendement par voie motivée, rarement soulevé, lors de la troisième lecture afin de prévenir l’entrée en vigueur de ce projet de loi.

Ce qui a reçu beaucoup moins d’attention est la façon dont l’administration transgresse la ligne de démarcation entre les responsabilités du pouvoir exécutif et celles du pouvoir judiciaire du gouvernement. C’est un problème qui s’est fortement accru sous les administrations successives conservatrices ou libérales qui ont usurpé des pouvoirs de l’Assemblée législative. Toutefois, cela a atteint de nouveaux sommets sous l’administration du premier ministre actuel.

Contrairement à d’autres législatures et au parlement fédéral, nous n’avons aucun calendrier législatif. L’administration détient le pouvoir d’ajourner, d’ouvrir, de lever et de suspendre les séances à sa guise. Et c’est ainsi que nous avons siégé la moitié du nombre de jours habituels. En réalité, il faudrait chercher aussi loin qu’il y a 47 ans pour trouver une Assemblée législative qui a siégé aussi peu de jours, et c’était alors une année électorale. Non seulement cela signifie moins de périodes de questions, mais aussi moins de jours pour les débats et pour considérer les projets de loi d’initiative parlementaire. Par exemple, j’ai introduit quatre projets de loi, mais je n’ai eu que le temps d’en faire progresser deux en deuxième lecture. Cela implique aussi moins de jours pour débattre des propositions initiées par les partis d’opposition. En effet, j’ai proposé d’établir une description du poste de député, mais elle ne sera pas débattue. Cet état de choses veut donc dire moins d’occasions pour les citoyens de présenter des pétitions à la législature, et l’allongement des débats sur les lois de l’administration durant des mois espacés par les pauses, réduisant ainsi l’intérêt de la population pour les projets de loi devant l’Assemblée.

Par ailleurs, une des responsabilités des députés est de servir comme chiens de garde des dépenses de l’administration par l’entremise du comité permanent des comptes publics et des corporations de la Couronne. Je suis membre de ces deux comités et l’administration refuse de permettre à ces deux comités de faire leur travail cette année. Durant les deux premières années des administrations de Shawn Graham et de David Alward, le comité des comptes publics s’est réuni 32 fois pour examiner les comptes des ministères. Durant les deux premières années de l’administration de Brian Gallant, nous nous sommes rencontrés seulement 7 fois.

Comme député Vert de l’Assemblée législative, étant donné l’engagement inébranlable de notre parti envers la démocratie participative et la citoyenneté active, j’ai fait tout ce qu’il m’était possible de faire pour attirer l’attention de la population sur la dégénérescence de notre institution démocratique — l’Assemblée législative.

L’Assemblée législative dans notre régime démocratique parlementaire de Westminster est censée fournir les freins et les contrepoids au pouvoir exercé par le premier ministre et son cabinet. Ça devient impossible quand l’Assemblée législative et ses comités siègent aussi rarement.

Ce contrepoids est aussi compromis par la peur des députés du côté de l’administration de prendre des positions contraires à celles du premier ministre ou de voter d’une manière différente de celle qui leur est imposée.

Comme société, nous faisons face à de graves difficultés lorsque l’administration traite l’assemblée des représentants, au mieux comme une simple formalité — et dans le pire des cas, comme un obstacle à la réalisation de tout ce qu’elle souhaite faire. Nous n’élisons par une administration, nous élisons une assemblée de représentants parmi lesquels une administration est formée. Je vais continuer de faire de mon mieux pour que le Nouveau-Brunswick revienne aux principes de base de la démocratie.